Entraînement en altitude : que gagnent les cyclistes ?

Cet article s’appuie sur un document scientifique fourni par les auteurs et l’éditeur de l’étude, complété par notre analyse pour L’Expert Vélo. La publication source (open access) est disponible ici : https://doi.org/10.3390/life15020305.

Entraînement en altitude : définitions et modèles utiles aux cyclistes

L’entraînement en altitude (ou hypoxique) expose l’athlète à une fraction d’oxygène réduite, en montagne ou en chambre simulée. En cyclisme, on rencontre classiquement trois organisations :

  1. vivre et s’entraîner en altitude (LHTH),
  2. vivre haut et s’entraîner bas (LHTL),
  3. ou des expositions hypoxiques intermittentes.

Ces architectures visent des adaptations hématologiques (augmentation de la capacité de transport d’oxygène) et ventilatoires, tout en préservant la qualité des séances spécifiques.

Pour un cycliste, l’enjeu est double : optimiser la capacité aérobie durable (hémoglobine, masse sanguine) et traduire ces adaptations en performance mesurable, sans compromettre la charge et la qualité technique des entraînements à l’allure cible.

A lire : Altitude et cyclisme : quels effets sur le corps du cycliste ?

Méta-analyse 2025 : un état de l’art sur capacité aérobie, VO2max, hémoglobine et performance

L’étude publiée en 2025 a regroupé des essais contrôlés randomisés incluant des athlètes adultes (plusieurs disciplines dont le cyclisme), suivant les recommandations PRISMA. 13 études, près de 300 sujets, et surtout des protocoles comparant des expositions hypoxiques à des entraînements au niveau de la mer, permettent d’évaluer trois volets qui intéressent directement les cyclistes :

  • la VO2max,
  • les marqueurs hématologiques (hémoglobine et masse d’hémoglobine)
  • et la performance en contre-la-montre ou test terrain.

Trois enseignements principaux se dégagent pour l’entraînement en altitude en cyclisme : l’augmentation de l’hémoglobine et de la masse d’hémoglobine est significative, la VO2max ne varie pas de manière notable chez des athlètes déjà bien entraînés, et les performances en épreuve de type contre-la-montre s’améliorent. Les analyses par sous-groupes suggèrent en outre que le modèle LHTH et des durées d’intervention supérieures à trois semaines sont les plus favorables aux adaptations hématologiques.

VO2max : un levier limité chez les athlètes de haut niveau

L’étude ne montre pas d’effet significatif de l’entraînement en altitude sur la VO2max quand on compare à un entraînement à basse altitude. Ce constat rejoint ce que les entraîneurs observent chez des cyclistes déjà à fort niveau d’entraînement : la VO2max étant en partie contrainte par la génétique et un historique de charge conséquent, les marges de progression deviennent réduites. Par ailleurs, l’hétérogénéité des protocoles de test (rampes vs paliers, ergomètre vs tapis, spécificité du mode d’effort) peut lisser un effet réel mais modeste.

Pour le cycliste, cela signifie qu’un stage en altitude n’a pas pour objectif prioritaire de « pousser la VO2max », mais plutôt d’améliorer la capacité de transport de l’oxygène et l’économie de l’effort à l’intensité cible.

Hémoglobine et masse d’hémoglobine : la signature de l’entraînement en altitude

Le résultat le plus robuste de la méta-analyse tient à l’augmentation de l’hémoglobine et de la masse d’hémoglobine après exposition hypoxique. Le mécanisme est bien documenté : la baisse de pression partielle en oxygène stimule la production d’érythropoïétine (EPO) via les facteurs induits par l’hypoxie (HIF), ce qui accroît l’érythropoïèse et la capacité de transport d’O2. Cette « signature hématologique » est précisément ce que recherchent les cyclistes d’endurance.

Deux points s’ajoutent : stabiliser le statut martial (ferritine) pendant le stage pour soutenir l’érythropoïèse et calibrer l’exposition hypoxique/le volume de charge pour éviter une fatigue qui annihilerait les bénéfices. Des travaux cités par les auteurs rapportent que des volumes d’exposition hypoxique plus élevés favorisent davantage les adaptations hématologiques, ce qui corrobore l’intérêt de blocs dépassant trois semaines lorsque l’agenda sportif le permet.

Le col du Galibier propice pour s’entrainer en haute montagne

Performance en contre-la-montre : un bénéfice transposable au terrain

L’étude met en évidence une amélioration significative des performances en test terrain après entraînement en altitude. L’ampleur de l’effet varie selon les disciplines et la durée des tests, point capital pour les cyclistes : des épreuves de 20 à 30 minutes sollicitent pleinement la filière aérobie et révèlent mieux les adaptations hématologiques qu’un test très court. En pratique, un contre-la-montre de 20–30 minutes sur home trainer calibré ou sur une ascension régulière constitue un bon outil d’évaluation pré- et post-stage.

Durée et modèle d’exposition : pourquoi  plus de 3 semaines et pourquoi la méthode LHTH ?

Les analyses par sous-groupes indiquent que les interventions supérieures à trois semaines génèrent des effets hématologiques plus marqués que les cycles plus courts. Côté architecture, le « live high, train high » (LHTH) ressort comme le cadre le plus propice aux gains d’hémoglobine dans l’ensemble des études incluses, tandis que le LHTL présente des réponses plus variables selon les charges, la qualité des séances à basse altitude et le volume d’exposition hypoxique cumulé.

Pour les cyclistes, cela plaide pour des camps LHTH lorsqu’une logistique de montagne est possible, en gardant à l’esprit l’individualisation : certaines athlètes et certains athlètes présentent des réponses hématologiques plus marquées que d’autres, et le sexe, l’historique de charge, l’état du fer, ainsi que la tolérance au stress hypoxique modulent la réponse.

Quelle altitude viser ? Une fenêtre pratique pour le cyclisme d’endurance

Une fenêtre d’environ 2000 à 2500 m concilie stimulation hématologique et qualité d’entraînement. Au-delà de 3000 m, la contrainte hypoxique peut devenir telle qu’elle dégrade la récupération et la tenue de charge. En cyclisme, une altitude intermédiaire permet d’enchaîner des volumes structurés, de préserver la technique et les intensités clés, tout en enclenchant la réponse EPO/érythropoïèse.

Conséquences concrètes pour l’entraînement en cyclisme

Cela oriente les choix pratiques : construire des semaines cumulant un volume de travail soutenable en hypoxie, programmer des intensités calibrées pour préserver l’économie de pédalage, surveiller le statut martial et objectiver la réponse avec des marqueurs simples (hémoglobine, masse d’hémoglobine lorsqu’elle est accessible, tests de 20–30 min standardisés).

Un bloc d’entraînement en altitude doit d’abord être pensé comme un levier hématologique, pas comme un moyen rapide de gonfler la VO2max.

Le contenu des séances reste guidé par la spécificité : aux intensités seuil et tempo, l’amélioration du transport d’oxygène se traduit le mieux par une réduction du coût énergétique et une vitesse/puissance plus élevée à échange ventilatoire comparable. À haute intensité, la réponse est plus hétérogène, d’où l’intérêt de réserver les blocs les plus qualitatifs aux jours de meilleure fraîcheur, en particulier sous modèle LHTH.

Points de vigilance et limites à connaître avant un stage en altitude

La qualité des preuves est globalement correcte, mais plusieurs sources d’hétérogénéité demeurent : protocoles de test de VO2max différents, disciplines variées, niveaux initiaux d’athlètes hétérogènes, et durées d’intervention plus souvent de trois à quatre semaines. Le bénéfice en performance terrain est sensible aux modalités d’évaluation : des tests trop courts sous-estiment l’apport aérobie. Enfin, des questions opérationnelles clés restent ouvertes, comme le timing optimal de retour à basse altitude avant une course, ou l’articulation la plus efficiente entre blocs hypoxiques et micro-cycles de compétition.

Bases physiologiques : pourquoi l’entraînement en altitude sert la capacité aérobie

L’hypoxie stabilise les facteurs HIF, augmentant l’EPO rénale, ce qui accélère l’érythropoïèse. Le résultat est une hémoglobine et une masse d’hémoglobine accrues, améliorant la capacité de transport d’oxygène vers les muscles sollicités au long cours. Chez le cycliste, cela se traduit par une meilleure puissance soutenue sur des durées de l’ordre de la vingtaine de minutes et au-delà, sans nécessairement modifier la VO2max lorsqu’elle est déjà élevée. On note également des différences interindividuelles et des effets potentiellement distincts entre femmes et hommes, ce qui renforce l’intérêt d’un suivi individualisé.

Comment planifier un stage d’entraînement en altitude en cyclisme

Un stage LHTH sur plus de trois semaines, à une altitude compatible avec la qualité d’entraînement (souvent autour de 2000 à 2500 m), est une option cohérente avec les conclusions de la méta-analyse. L’approche LHTL peut fonctionner si l’exposition hypoxique cumulée est suffisante et si les séances clés réalisées bas restent de très haute qualité. Dans les deux cas, un suivi biologique de base (hémoglobine, ferritine) sécurise l’érythropoïèse, tandis qu’un protocole d’évaluation standardisé – par exemple un contre-la-montre de 20–30 min répété avant et après – permet de documenter l’effet réel sur la performance spécifique du cycliste.

Synthèse : ce que les cyclistes doivent retenir sur l’entraînement en altitude

L’entraînement en altitude pour le cyclisme a pour objectif non pas via une hausse nette de la VO2max chez les athlètes déjà entraînés, mais par des adaptations hématologiques traduisibles en performance sur des efforts prolongés. Les choix les plus porteurs pour un collectif sont un modèle LHTH et des cycles supérieurs à trois semaines, menés à une altitude compatible avec la qualité des séances. En planifiant le suivi et l’évaluation avec rigueur, l’entraînement en altitude devient un outil solide au service de la capacité aérobie du cycliste.

FAQ – entraînement en altitude

Quel est l’intérêt principal de l’entraînement en altitude pour un cycliste route ou gravel ?

Selon la méta-analyse, l’entraînement en altitude améliore surtout la capacité de transport d’oxygène via l’augmentation de l’hémoglobine et de la masse d’hémoglobine, ce qui se traduit par de meilleures performances sur des efforts prolongés de type contre-la-montre.

La VO2max augmente-t-elle avec un stage en altitude ?

Chez des athlètes déjà bien entraînés, la méta-analyse ne met pas en évidence d’augmentation significative de la VO2max par rapport à un entraînement mené au niveau de la mer, alors que les marqueurs hématologiques, eux, progressent.

Quelle organisation privilégier : LHTH ou LHTL ?

Les analyses par sous-groupes suggèrent que vivre et s’entraîner en altitude (LHTH) surpasse les autres approches pour accroître les marqueurs hématologiques, à condition d’une charge maîtrisée et d’une durée suffisante.

Combien de temps faut-il prévoir pour un effet notable ?

Des interventions supérieures à trois semaines montrent des effets plus marqués sur l’hémoglobine que des cycles plus courts, ce qui plaide pour des blocs de plus longue durée lorsque le calendrier le permet.

À quelle altitude organiser un stage pour le cyclisme ?

La littérature citée par les auteurs situe une fenêtre pratique autour de 2000 à 2500 m, qui stimule l’érythropoïèse sans dégrader excessivement la qualité des séances et la récupération.