Salmétérol inhalé : un avantage légal pour le sprint ?

À retenir : Chez des cyclistes élites non asthmatiques, une seule inhalation de salmétérol (100 μg) atténue la baisse de puissance en fin d’étape simulée, avec un gain significatif sur un sprint de 12 s. Le salmétérol inhalé, autorisé par l’AMA à des doses thérapeutiques, pourrait donc infléchir l’issue d’un sprint final sans modifier la lactatémie ni l’effort perçu. Ces résultats issus d’une étude posent la question de l’avantage en sprint en conditions de fatigue, là où se jouent de nombreuses arrivées.

Mots-clés : salmétérol inhalé, sprint, β2-agoniste, fatigue musculaire, AMA, puissance de pointe, résilience physiologique

Salmétérol inhalé et performance de sprint chez les cyclistes : protocole et population

Le rôle des β2-agonistes dans la performance cycliste reste un sujet sensible, à l’intersection des exigences cliniques (asthme, EIB) et du cadre réglementaire WADA (AMA – Agence mondiale anti-dopage). Dans ce contexte, une étude a évalué l’effet d’une inhalation unique de salmétérol (100 μg) sur la performance de sprint chez 16 cyclistes sur route de haut niveau, non asthmatiques, tous testés négatifs à l’hyperréactivité bronchique. Le processus, rigoureux, comparait salmétérol et placebo administrés une heure avant l’effort, à une semaine d’intervalle, en maintenant identiques l’échauffement, la charge d’entraînement préalable et les consignes.

A lire : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/41195895/

Chaque session comprenait un sprint maximal de 12 s « à frais », une simulation d’étape d’une heure à puissance croissante (40 % à 95 % de PPO), puis un sprint final de 12 s « en fatigue ». La fréquence cardiaque, la lactatémie et la perception d’effort (Borg 6–20) étaient suivies pendant la simulation. La puissance de pointe, la puissance moyenne et l’activité myoélectrique du vaste latéral (EMG de surface, RMS) étaient enregistrées lors des sprints.

Le profil des participants correspondait à des athlètes de niveau élite : âge moyen 25 ans, VO2max de 64,6 ± 6,9 mL·kg−1·min−1, PPO à 419 ± 38 W, plus de cinq séances et plus de 400 km par semaine, avec au moins cinq années d’expérience compétitive. Cette population permet d’examiner l’effet du Salmétérol dans un contexte proche des exigences de la route professionnelle.

Des gains de puissance en état de fatigue, aucun effet à frais

Le résultat central est net: le salmétérol n’a pas modifié la performance de sprint en état « frais », mais a atténué la chute de puissance en fin d’étape simulée. En pratique, après l’heure d’effort, la puissance de pointe du sprint final s’est révélée plus élevée avec salmétérol qu’avec placebo (915 ± 135 W vs 831 ± 112 W, p = 0,030), tout comme la puissance moyenne sur 12 s (692 ± 76 W vs 643 ± 92 W, p = 0,037).

La baisse relative de performance a été clairement moindre sous salmétérol : −7,5 % contre −18,2 % pour la puissance de pointe, et −13,0 % contre −19,8 % pour la puissance moyenne.

À l’inverse, lors du sprint initial réalisé à frais, aucune différence significative n’a été observée entre salmétérol et placebo sur la puissance de pointe (995 ± 105 W vs 1016 ± 114 W, p = 0,088) ou la puissance moyenne (795 ± 95 W vs 801 ± 72 W, p = 0,646). L’indice de fatigue au sein du sprint (FI) a augmenté entre le premier et le second sprint, sans différence entre conditions, ce qui reflète l’impact de la simulation d’étape sur la capacité à maintenir la puissance au sein d’un effort maximal court.

Sur le plan pratique, l’écart de 49 à 84 W observé en fin d’effort, à niveau élite, se situe dans la fourchette de différences de puissance souvent déterminantes sur des arrivées massives, où l’accélération initiale (puissance de pointe) et la capacité à tenir la vitesse sur 10–20 s (puissance moyenne) décident des positions sur la ligne.

Réponses physiologiques : fréquence cardiaque, lactatémie et effort perçu

La cinétique cardio-métabolique apporte une nuance importante. La fréquence cardiaque a été plus élevée avec salmétérol durant les 20 premières minutes de la simulation (interaction temps × condition, p = 0,004), sans différence ensuite aux charges supérieures. Cette élévation initiale est cohérente avec l’effet chronotrope connu des β2-agonistes.

En revanche, la lactatémie et la perception d’effort (RPE) ont suivi des trajectoires proches entre conditions : la lactatémie a augmenté au fil de l’effort et après les sprints, sans différence significative entre salmétérol et placebo, et le RPE a progressé principalement sous l’effet du temps et de la charge, sans effet du traitement. La cadence de pédalage, libre entre 80 et 100 tr/min, est restée similaire dans les deux conditions.

Ces éléments suggèrent que, malgré une stimulation cardiaque transitoire, le coût perceptif et métabolique global de la simulation n’a pas été altéré de manière détectable par 100 μg de salmétérol. L’effet ergogène observé en fin d’effort se dissocie donc d’une éventuelle baisse de la pénibilité perçue ou d’un signal métabolique lactate amplifié à chaud.

Myoélectrique et contrôle moteur : un effet périphérique plutôt que central

L’EMG de surface du vaste latéral n’a pas montré de différence entre conditions, ni sur le pic ni sur la moyenne du RMS, que ce soit à frais ou en fatigue. En revanche, comme attendu après une heure de charge croissante, l’activité myoélectrique a diminué du premier au second sprint, traduisant l’altération de la capacité d’activation musculaire lors d’efforts explosifs successifs. L’absence d’effet du salmétérol sur l’EMG et sur la motivation auto-rapportée renforce l’hypothèse d’un effet périphérique.

Sur le plan mécanistique, des pistes plausibles incluent une facilitation du relargage et de la recapture du calcium, une meilleure gestion du potassium extracellulaire et une accélération de la glycolyse, autant de facteurs susceptibles de soutenir la production de puissance neuromusculaire de très courte durée lorsque les réserves de glycogène sont entamées et l’homéostasie ionique bousculée par une heure d’efforts submaximaux. Autrement dit, le salmétérol n’aurait pas « libéré » davantage d’activation centrale, mais aurait amélioré la capacité des fibres à convertir une activation donnée en puissance mécanique en fin de course.

Résilience physiologique et quatrième dimension de la performance en endurance

Depuis peu, la « résilience physiologique » (ou « durability ») est proposée comme la quatrième dimension de la performance d’endurance, aux côtés de la puissance maximale aérobie, du seuil et de l’efficacité. L’étude apporte une illustration concrète de ce concept: à frais, le salmétérol n’apporte rien; sous fatigue, il atténue le déclin de puissance maximale sur 12 s. La nuance est essentielle pour le cyclisme sur route, où les sprints ont lieu après des efforts de plusieurs dizaines de minutes à haute intensité relative. L’intérêt pratique n’est donc pas de courir plus vite en prologue, mais de rester plus « disponible » dans la dernière ligne droite, quand le système neuromusculaire est le plus sollicité.

En termes de préparation, cela milite pour des évaluations et des interventions ciblant spécifiquement la capacité à produire un pic de puissance tardif après une charge réaliste, plutôt qu’un simple test de sprint isolé à l’échauffement. La performance de fin d’étape obéit à des déterminants partiellement distincts de celle évaluée à froid.

Ce que dit la littérature sur les β2-agonistes : convergences et divergences

La méta-analyse la plus récente indique que les β2-agonistes n’améliorent pas la performance aérobie chez des sujets non asthmatiques, quel que soit le type, la dose, la voie ou la durée d’administration. En revanche, des bénéfices sur la force et le sprint ont été observés avec des doses orales ou des inhalations supra-thérapeutiques. Dans le cadre des doses permises par la WADA, des résultats hétérogènes existent: absence d’effet en sprint à frais pour le salmétérol dans plusieurs travaux, modeste bénéfice en anaerobie rapporté pour le formotérol chez des cyclistes, et pas d’effet pour le salbutamol en frais ou après fatigue induite par course intermittente dans d’autres cohortes.

La nouveauté ici tient au ciblage d’un sprint court (12 s) en état de fatigue chez des routiers élites, et à l’emploi d’une dose thérapeutique de salmétérol (100 μg). L’effet se matérialise uniquement en fin d’effort, avec un gain pratique sur la puissance de pointe et moyenne. Cette spécificité contextuelle pourrait expliquer des contradictions apparentes de la littérature: tester à frais occulte des effets qui n’émergent qu’après une charge prolongée proche des scénarios de course.

Cadre WADA/AMA et enjeu réglementaire autour du salmétérol

Le salmétérol est autorisé par la WADA jusqu’à 200 μg sur 24 h par voie inhalée. L’étude emploie 100 μg, donc dans le cadre réglementaire. Elle montre pourtant un bénéfice significatif en sprint final, indicateur clé d’un résultat de course. Cette observation interroge l’hypothèse, souvent admise, d’une absence d’effet ergogène aux doses thérapeutiques inhalées chez les non-asthmatiques. Elle soulève également la question des demandes d’usage thérapeutique (TUE) et des seuils d’autorisation : si un produit destiné au contrôle des symptômes respiratoires peut infléchir un paramètre décisif de performance en fin d’étape, la calibration des règles mérite d’être discutée à l’aune d’évidences actualisées.

Pour les équipes et les coureurs, le message n’est pas d’élargir l’usage hors indication, mais de comprendre que certaines molécules autorisées peuvent avoir des effets conditionnels sur la performance. Toute utilisation doit rester conforme aux indications médicales et aux règles antidopage en vigueur. Sur le plan scientifique et réglementaire, la réplication de ces résultats et l’exploration des effets chroniques seront déterminantes pour éclairer de futures évolutions.

Limites méthodologiques et précautions d’interprétation

Plusieurs limites invitent à la prudence. L’échantillon est restreint (n = 16), masculin, non asthmatique, avec un haut niveau d’entraînement, ce qui limite la généralisation à d’autres populations, en particulier les femmes et les athlètes d’autres disciplines ou niveaux. La dose a été fixe (100 μg), non ajustée à la masse corporelle, ce qui peut introduire une variabilité d’exposition systémique. L’étude est aiguë : aucune donnée sur une administration répétée, ni sur une éventuelle désensibilisation des récepteurs β2 adrénergiques à moyen terme. Enfin, le modèle d’effort, bien que pertinent pour un final d’étape, reste une simulation standardisée en laboratoire.

Ces garde-fous n’amoindrissent pas l’intérêt du signal observé, mais circonscrivent sa portée : un effet ponctuel, dose unique, dans un scénario d’effort défini, chez des élites masculins. La traduction en performance réelle dépendra de multiples facteurs contextuels: dynamique du sprint, placement, abri, trajectoire, ouverture du lancer et coordination collective.

Applications terrain : ce que cela change pour un sprint en fin d’étape

Sur le plan de la performance, le bénéfice observé se lit à travers deux aspects complémentaires. D’abord l’accélération initiale liée à la puissance de pointe, déterminante pour créer l’écart au moment de l’ouverture du sprint. Ensuite, la capacité à soutenir la vitesse et à résister au reflux de la tête de sprint, portée par la puissance moyenne sur 10–12 s. La réduction de la chute relative de ces deux composantes, telle qu’observée après 60 min de charge, pourrait suffire à faire basculer un duel serré entre sprinteurs de niveau comparable.

Dans l’entraînement, ces résultats valident l’intérêt d’évaluer la puissance de sprint en fin de blocs submaximaux progressifs, plutôt que de se limiter aux sprints à l’échauffement. Ils invitent aussi à travailler la « disponibilité neuromusculaire » en fin de séance: sprints courts après charge progressive, avec suivi conjoint de la cinétique de puissance et de la perception d’effort, afin d’objectiver la résilience physiologique individuelle sans recourir à des adjuvants pharmacologiques.

Lectures des mécanismes : pourquoi un effet sans modification du ressenti ni du lactate immédiat ?

L’absence d’effet sur le RPE et la lactatémie mesurée immédiatement après les sprints n’est pas contradictoire avec le gain mécanique. En sprint court, une part substantielle de la puissance dépend d’événements électromécaniques au niveau des fibres (flux calciques, couplage excitation-contraction, gestion ionique) et de la disponibilité des substrats issus de la glycolyse rapide.

Un β2-agoniste peut, transitoirement, optimiser ces déterminants périphériques sans modifier le ressenti global d’effort, en particulier quand le sprint survient juste après un bloc soutenu. Les différences de lactate liées à une glycolyse accrue apparaissent parfois avec un délai de prélèvement supérieur; ici, les mesures « à chaud » n’en captent pas forcément l’amplitude.

FAQ – salmétérol inhalé et sprint cyclisme

Le salmétérol inhalé améliore-t-il le sprint chez les cyclistes non asthmatiques ?

À dose de 100 μg, le salmétérol n’a pas amélioré le sprint de 12 s à frais, mais il a augmenté la puissance de pointe et la puissance moyenne en fin d’étape simulée, avec une baisse de performance atténuée par rapport au placebo.

Quel protocole a été utilisé pour tester l’effet du salmétérol ?

Seize routiers élites ont inhalé 100 μg de salmétérol ou un placebo une heure avant un sprint de 12 s, puis une simulation d’étape d’une heure (40 à 95 % de PPO) et un nouveau sprint de 12 s, dans un design croisé randomisé en double aveugle.

Quelles ont été les réponses de fréquence cardiaque, lactate et RPE ?

La fréquence cardiaque a été plus élevée avec salmétérol durant les 20 premières minutes de la simulation, tandis que la lactatémie et la perception d’effort ont évolué de façon similaire entre salmétérol et placebo.

Par quels mécanismes le salmétérol pourrait-il aider en fin de course ?

L’absence d’effet sur l’EMG et la motivation suggère un mécanisme périphérique, possiblement via une meilleure gestion ionique et une glycolyse plus rapide, facilitant la conversion de l’activation en puissance malgré la fatigue.

Le salmétérol est-il autorisé par la WADA/AMA et quelles implications ?

Oui, jusqu’à 200 μg sur 24 h par inhalation. L’étude montre un avantage en sprint final à 100 μg, ce qui interroge l’hypothèse d’absence d’effet ergogène aux doses thérapeutiques et nourrit la réflexion réglementaire.