Christel Ferrier Bruneau - Championne de France
Grimpeuse et puncheuse, voila comment se définie Christel Ferrier Bruneau Championne de France sur route 2009 mais également vice-Championne de France de Cyclo-cross 2010. Sélectionnée aux J.O de Pékin, elle termine 13ème à quelques secondes de la victoire. Touche à tout dans le milieu du cyclisme, route, VTT, cyclo-cross, rien n'est laissé au hasard tant sur l'entrainement que sur le matériel. Rencontre avec notre championne nationale.
Peux-tu nous présenter tes sports en quelques phrases ? Et comment es-tu venue à les pratiquer ?
J’ai un contrat avec l’Armée de terre qui me permet de m’entraîner à plein temps dans les deux disciplines Route et Cyclo-cross. Je pratique le Cyclisme sur route qui se pratique sur des épreuves faisant 80 km au niveau national jusqu’à 130 km au niveau international. Je suis plutôt grimpeuse mais aussi bonne puncheuse. Le Cyclo-cross est une discipline hivernale qui se fait avec des vélos spécifiques ressemblant à des vélos de route adaptés pour rouler dans des prairies ou des chemins roulants, l’effort est de 40 minutes pour les femmes, il faut de grosses capacités cardio-respiratoires et de l’agilité pour s’y exprimer. Le VTT se court sur des épreuves de 2 heures avec plus de dénivelé qu’en cross, il faut là aussi de grosses capacités bioénergétiques et une grande agilité.
J’ai débuté le cyclisme par le VTT à 16 ans dans un club de randonnée de mon village et j’ai commencé le VTT en compétition à 19 ans. Le premier problème rencontré a été le manque de moyen et de clubs structurés pour s’initier au haut niveau. Mes saisons se résumaient à des courses de VTT régionales et les Coupes de France et Championnats de France VTT. Cette première partie de carrière est assez terne, pas de gros résultats, juste un podium en espoir sur une Coupe de France. Je faisais un peu de route et quelques cyclo-cross avec mon VTT.
Suite à une saison 2004 contrariée par un cumul de malchance (méforme, grave chute, appendicite), j’ai arrêté le vélo pour passer mon CAPEPS, ne l’ayant pas eu, j’ai décidé de revenir au VTT, mais après une saison blanche de courses et entraînements, il fallait retrouver le rythme de compétition. Je choisissais donc de faire une saison complète de Cyclo-cross avec comme objectif les Challenges Nationaux et le Championnat de France. Ça a bien marché puisque je fais 5ème du France et je suis à la limite de partir aux Championnats du Monde avec l’Equipe de France. A partir de là, j’ai commencé une deuxième carrière bien plus réussie que la première partie qui avait précédé ma saison de repos. Je courrais un peu sur route en essayant juste de rester dans le paquet sur les Coupes de France, en VTT je terminais souvent dans le top 5 national. Mes objectifs étaient à l’époque sur le cross et le VTT, la route était encore une pratique mystérieuse pour moi, pour anecdote j’avais un 36/48 sur mon vélo !!!
En 2007, le directeur sportif de l’équipe UCI des Pruneaux d’Agen me propose un contrat dans l’équipe en me disant que sur les quelques courses de la saison précédente, il m’avait observé et que je devais avoir une grosse marge de progression…. Résultat, j’étais placée leader de l’équipe, pour une saison d’apprentissage; la marche a été haute: courses à étape internationales les plus dures, objectifs nationaux…. Je termine 2ème d’une Coupe de France et 4ème du Championnat de France ; une nouvelle discipline me tendait les bras.
Depuis, je pratique ces trois disciplines complémentaires mais qui remplissent totalement le calendrier.
Quels sont la fréquence et le volume qu’occupent tes sports en entraînement annuel ?
En fait les trois sports ne sont jamais pratiqués dans la même semaine. La route reste la base horaire de l’entraînement que ce soit pour le volume, la récupération et certains fractionnés. Ensuite, je travaille du spécifique sur le vélo de la discipline dans laquelle j’ai placé mon principal objectif, donc du Cyclo-cross en hiver, du VTT en juillet avant les Championnats de France. Mais pratiquer les trois disciplines au niveau international est impossible il faut en sacrifier une; depuis les JO de pékin j’ai donc dû diminuer les entraînements et le nombre de courses en VTT.
En faisant trois disciplines j’éprouve peu de lassitude et mon kilométrage n’est pas aussi énorme qu’un simple routier. Par exemple, en 2009 j’ai fait seulement 15000 km pour plus de 700 h. Si je ne faisais que de la route j’aurais sans doute eu 750h et 20 à 25000km. Et j’ai eu 60 jours de courses en 2009.
La gestion physique d’une saison cyclo-cross et route est difficile ou est-ce un atout ?
Le passage du Cyclo-cross vers la route est plutôt facile car mon début de saison commence après la moitié du mois de mars, il y a un mois et demi qui sépare les 2 disciplines. J’ai le temps de récupérer après le Mondial et commencer à préparer ma saison sur route ainsi que mon matériel.
Par contre l’autre transition est complexe surtout maintenant où j’essaye d’arriver à mon maximum aux Championnats du Monde sur route fin septembre. Je dois donc enchaîner le dimanche d’après avec la première Coupe du Monde de Cyclo-cross. Il est alors complexe de s’habituer en si peu de temps au vélo, à l’intensité de la course et il faut faire attention à la fatigue qui risque de s’accumuler. Mais si on gère bien la transition, les 2 disciplines apportent chacune des atouts entre elles.
L’hiver, les Cyclo-cross permettent de faire des intensités sur 40’-50’, la durée d’un CLM, de façon ludique dans des conditions climatiques où il est difficile de faire des grosses sorties en vélo. De plus, je sens que je gagne en agilité et quand les courses sur route arrivent, je me faufile plus facilement dans le peloton, j’évite les chutes et ça m’aide à être plus explosive quand il y a des attaques.
La route me permet de gagner en puissance sur les Cyclo-cross, je mets plus de braquets sur les parcours roulant.
Pour anecdote mon meilleur résultat international cet hiver a été un podium lors de la première manche de Coupe du Monde en Italie soit une semaine juste après le Championnat du Monde sur route.
Les préparations physiques sont-elles différentes pour le cross et la route ?
Les grands principes sont les mêmes, ensuite tout est question de dosage entre les différents types d’entraînement. Les séances fractionnées en hiver sont plus courtes et toniques, par contre les volumes sont plus longs sur route.
Fais tu des fractionnés et/ou du travail spécifique pour être au top ?
Oui c’est la base de mon entraînement. Je fais 2 à 3 fractionnées par semaine avec diverses durées de fractionnée selon le cycle et la discipline. 3 sorties sur 4 comportent des fractionnés.
Fais-tu appel à un coach pour la planification des tes séances d’entraînement ?
Oui j’ai un entraîneur, c’est mon mari qui me suit depuis 9ans. Son travail consiste à fixer avec moi les objectifs majeurs de la saison, et à partir de là, établir les programmes d’entraînement et la gestion de la saison. Il essaye d’anticiper au maximum les problèmes que je pourrais rencontrer que ce soit au niveau physique ou matériel. Il est aussi mon mécano pendant la saison de cross. Il essaye d’avoir une vision large du sport et ne pas rester figé dans les théories d’entraînement propre au cyclisme.
Je sais que cela fait un peu ‘’cliché’’ d’avoir son mari comme entraîneur, il faut savoir que pendant mon début de carrière je me suis retrouvée sans entraîneur, personne ne voulant remplir cette tâche, il a accepté de le faire, et comme depuis, mes performances n’ont quasiment jamais cessé de progresser nous avons choisi de continuer comme cela.
Un entraîneur vous aide à être plus forte, mais son rôle est tout aussi important dans la défaite ou lors des blessures; lorsque nous avons commencé à travailler ensemble nous avons d’abord été confrontés à ces problèmes là avant d’approcher l’ombre d’une victoire, les victoires en sont que mieux appréciées aujourd’hui.
Tu utilises un compteur cardio Polar, fais-tu des comparatifs de tes séances et/ou courses sur ton ordinateur ? L’évolution est-elle suivie par un coach ?
J’utilise mon cardio Polar tout le temps, je le regarde pendant les séances d’entraînement pour comparer ma fréquence cardiaque avec mes sensations. Et le soir, je transfère les données pour les comparer entre les séances d’entraînement ou entre les courses. Ca me permet de contrôler la bonne conduite avec l’entraînement. Pour la courbe de la course, je regarde s’il y a bien un palier pour les efforts de type CLM, Cyclo-cross et voir s’il y a une dérive cardiaque (baisse de la fréquence sur la fin de la course) et sur la route je regarde ma FC par rapport aux accélérations pendant la course, voir si elle monte et descend vite, pour voir si je récupère vite après une attaque.
Pour les fractionnés, je travail beaucoup avec le capteur de puissance Polar, pour cibler le plus juste possible les zones de travail car j’ai remarqué que la fréquence cardiaque fluctue beaucoup selon les jours surtout chez les femmes avec les cycles menstruels. Et donc les intensités de travail n’étaient pas tout le temps bonnes si j’utilisais seulement les pulsations, l’utilisation des watts a été un plus dans la planification des séances.
>> Lire notre dossier : Comment choisir son cardiofréquencemètre ?
>> Lire notre dossier : La puissance en cyclisme
Powercranks est uniquement un partenaire ou utilises-tu le pédalier dissocié pour l’entraînement ?
Non ce n’est pas un partenaire mais son revendeur en France WTS m’a aidé à l’acquérir et m’a conseillé sur son utilisation. Je l’ai acheté car en début de saison 2007, j’ai eu un problème au genou à cause d’une reprise trop brutale après la saison de cyclo-cross. Ca m’a permis d’apprendre à pédaler en utilisant plus mes ischios et j’ai pu voir que je n’avais pas un pédalage rond. La 1ère fois c’est très dur, on commence sur home-traîner et on n'y arrive pas du tout. Ensuite, on arrive 5’, 10’, 20’…, de mieux en mieux.
J’aime bien en faire en début de saison de chaque discipline, en reprise après ma coupure. Je vois que j’ai perdu mon coup de pédale et fur et à mesure c’est de plus en plus fluide. En vélo on a tendance à appuyer que sur les pédales, on a l’impression de tirer avec les ischios mais quand on fait du Powercranks on se rend compte qu’on ne sait pas tirer. Il permet aussi de bien muscler les ischios qui sont généralement plus faible que les quadriceps afin d’équilibrer les chaînes musculaires.
Cela me fait sourire lorsque j’entends des cyclistes me dire qu’ils ont un bon coup de pédale et que pour eux ce ne serait pas la peine d’en faire, j’aimerais les voir essayer, ils seraient surpris.
Outre la performance cycliste, le rééquilibrage musculaire qu’il procure permet de se préserver de diverses blessures.
Un petit mot sur l’utilité, pour toi, d’un pédalier Rotor ?
Depuis cette saison de Cyclo-cross, j’utilise le pédalier Rotor que je trouve bien rigide et les plateaux me permettent de mettre un braquet plus important sans le ressentir. En cyclo-cross, c’était la 1ère année que je mettais un 44 pour le gros plateau alors qu’avant je mettais un 42. Je n’ai pas eu de problème de saut de chaîne ou de difficulté sur le passage de vitesse. Je pense que c’est un bel atout en course ; de plus le fait qu’il y ait 5 positions différentes permet d’adapter l’effet rotor au pratiquant et au type d’effort.
De plus, j’aime bien les accessoires un peu plus rares que les montages de base : après pesée le pédalier 3D est plus léger que le dura-ace, alors pourquoi s’en priver en sachant qu’il est plus rigide.
>> Lire le test : Test Pédalier Rotor 3D avec plateaux Aero
Comment arrives tu mentalement au top pour une compétition avec la prise en compte de la gestion du stress ?
Ce n’est pas évident surtout au début où l’on se fixe ses premiers objectifs. Il faut se fixer des objectifs à sa portée et grâce aux courses de préparation s’approprier la possibilité de réaliser ce qui est prévu. Le fait de me sentir prête sur les courses de préparation me donne confiance et me motive à passer à l’offensive. Il faut arriver à transformer le stress d’appréhension en stress positif, en se disant surtout qu’il faut se faire plaisir et que de toute façon si on échoue ça ne va pas changer sa vie. Mon premier objectif est de ne pas avoir les regrets du coureur qui n’a pas osé, et de plus, après mes déceptions sportives j’ai toujours su me remotiver et effectuer ensuite d’autres résultats sur des épreuves encore plus grosses. Du coup, sachant cela je n’ai pas peur du verdict de la course, ce qui me permet de relativiser l’importance des enjeux et me permet de mieux canaliser mon stress.
>> Lire notre dossier : Gestion du stress de la compétition
Comment gères-tu la pression de championne de France avec la « pancarte » dans le dos ?
Je sais que ce n’est pas facile d’avoir la « pancarte », j’en ai fait les frais récemment aux France de cross (lol), mais le fait d’être dans une belle équipe française « Vienne-Futuroscope » me permet d’avoir des équipières qui pourront m'assister face aux autres équipes. L’année dernière, étant dans une équipe étrangère, j’étais seule ou à 2 sur les courses nationales et c’était très dur à gérer au niveau tactique face aux grosses équipes et au duo Longo-Pittel. Mes objectifs sont cette année très internationaux, et là on ne peut pas dire que je sois trop surveillée, bien qu’avec le maillot tricolore j’ai pu remarquer un changement d’attitude aussi à ce niveau de compétition.
De toute façon, le vélo c’est avant tout une histoire de performances, je vais donc m’attacher à faire honneur au maillot comme il se doit et me faire plaisir avec, ensuite nous verrons bien ce que cela va donner. Si quand je flingue tout le monde y va, ce sera à moi de trouver des solutions ou alors cela servira peut-être une autre fille de l’équipe. Non, le seul truc qui pourrait me déranger avec ce jeu de pancarte c’est d’avoir des filles qui ne veulent pas rouler avec moi dans les coups parce qu’elles sont persuadées que c’est mort si elles arrivent au bout avec moi. J’ai vécu cela à Mont-Pujols l’année passée c’était un peu frustrant de sortir avec des têtes de série et qu’elles refusent le combat et préfèrent attendre le paquet.
Coté récupération entre 2 compétitions, comment gères-tu celle-ci : repos, coupure, manchons de compressions, décrassage … ?
Après une compétition, le lendemain je fais toujours un décrassage. Si je peux, je le fais après la course (c’est le mieux) mais avec les déplacements on ne peut pas trop le faire. Généralement, pour bien récupérer des entraînements durs ou courses, j’ai un jour de repos dans la semaine. J’utilise aussi le compex pour la récupération active après les courses ou les entraînements durs. Le massage est utilisé surtout avant la compétition ou en course à étapes et je mets souvent des manchons de compression Ekoi après les entraînements ou les compétitions. Je compense les pertes en sels-minéreaux et micronutriments grâce à Ergysport Oligo ou Ergysport Récup.
>> Lire notre dossier : N’oubliez pas de récupérer !
Quels sont les indicateurs d’une Christel au top de sa forme ?
Quand je suis en forme, je suis à mon poids de forme, j’ai mes pulsations cardiaques basses au repos et qui montent bien lors des fractionnés. Je me sens bien au niveau psychologique, je suis zen et pas stressée. Ensuite, lors des fractionnées, je vois les puissances que je développe avec de bonnes sensations.
Quels sont tes prochains objectifs !
A court terme sur route, c’est la Flèche Wallonne (Coupe du Monde), le Tour de l’Aude, le Championnat de France et les Championnats du Monde. A long terme, ce sera les J.O à Londres en 2012.
En Cyclo-cross, ce sont les Championnats de France, d’Europe et du Monde.
Un conseil à celui ou celle qui voudrait se lancer dans le cyclosport ?
Il faut penser à se donner des objectifs progressifs, adapter à son potentiel et augmenter progressivement les charges d’entraînement. C’est à dire qu’il faut commencer par le plus petit parcours la 1ère fois et voir si on a les capacités de passer le grand pour ne pas s’écœurer car le vélo est un sport très dur et qui demande pas mal d’heure d’entraînement. Et surtout, il faut vraiment se faire plaisir pour continuer à progresser et perdurer.
>> Le site de Christel Ferrier Bruneau
>> L'interview nutrition de Christel Ferrier Bruneau