Rallonger les sorties pour tenir la distance
Au cours de ces dernières semaines de préparation, vous n'avez peut-être pas pu accumuler de nombreuses heures de selle, en tout cas, pas celles que vous aviez initialement prévu. Avec les conditions météorologiques qui commencent à être plus favorables et les jours qui se font progressivement plus longs, vous comptez bien retrouver le chemin de ces longues sorties.
Les longues sorties offrent de nombreux avantages, notamment celui de pouvoir tenir la distance sur les épreuves dont le kilométrage est conséquent. Des longues sorties qui vont nécessairement engendrer une fatigue, que vous devrez savoir précocement détecter pour éviter son excès.
Sachez détecter votre niveau de fatigue
Au cours des prochaines semaines de préparation, avec l’accumulation des longues sorties (lesquelles se surajoutent par ailleurs aux autres sollicitations extra-sportives : professionnelles, familiales, etc), vous allez sans aucun doute connaître des moments d’intense fatigue. La sortie la plus insignifiante vous semblera alors difficile. Ayez conscience que ces périodes de lassitude sont normales, bénéfiques même.
En contexte d’entraînement (et en-dehors de toute situation pathologique), la charge de travail perturbe l’organisme, qui, après une période de récupération, s’adapte, donc progresse. La fatigue est donc un ‘’mal nécessaire’’ pour espérer progresser : elle traduit simplement les perturbations fonctionnelles qui apparaissent suite à la réalisation de charges d’entraînement. Un passage obligé oui, mais encore faut-il que cette fatigue reste à un niveau raisonnable !
Si la charge d’entraînement est inadaptée et/ou que la récupération est insuffisante, l’organisme n’est plus capable de gérer ces désordres physiologiques : le processus d’adaptation se rompt, la fatigue s’installe et évolue même vers la chronicité. Pour l’éviter, vous devez être capable de distinguer la fatigue ‘’normale’’ de ‘’l’anormale’’, de celle qui aboutie une adaptation organique de la fatigue qui ne permet pas à l’organisme de progresser.
Estimation du niveau de fatigue
Pour estimer votre niveau de fatigue, au quotidien, vous pouvez utiliser :
- L’écoute de vos sensations : tout brusque changement de votre humeur, motivation, moral, etc, ou bien la chronicité de douleurs musculaires et articulaires, doivent vous alerter. Pour les utiliser en routine, recourez à des échelles de mesure.
Par exemple :
0 = très bonne motivation
1 = bonne motivation
…
7 = absence de motivation
Par ailleurs, gardez-en une trace écrite : reportez-les quotidiennement dans votre carnet d’entraînement.
- Des mesures physiologiques : là aussi, toute modification durable de votre fréquence cardiaque (de repos et à l’effort : sous-maximale et maximale) et/ou de votre poids doit être considérée avec attention.
Les séances longues : quelle durée ?
Qualifier une séance de longue dépend des individus et du contexte. De manière pratique, c’est en réalité l’intensité des perturbations fonctionnelles engendrées par l’exercice qui permet de qualifier une séance de longue. A première vue donc, un cycliste expérimenté ne considèrera pas que sortir sur une centaine de kilomètres soit long alors qu’un débutant oui.
Néanmoins, et ce pour un même cycliste, une séance ne représentera pas la même charge interne pour l’organisme selon le moment (début vs fin de saison, début de journée vs après une journée de travail, etc) et le contexte de réalisation : par exemple, débuter une sortie de cent kilomètres avec de faibles réserves en glycogène engendrera de profondes perturbations fonctionnelles, et ce même chez un cycliste expérimenté, perturbations qui pourraient être de même intensité qu’une sortie longue de cent cinquante kilomètres réalisée après plusieurs repas riches en glucides.
De même, une séance, réalisée sous 20°C ou par moins 10°C avec vent froid de face, n’engendrera pas le même degré de fatigue. La notion de sortie longue est donc à appréhender avec précaution, de manière individuelle.
Pourquoi des séances longues ?
Les sorties longues offrent de nombreux avantages. Par exemple, celui d’améliorer la capacité de l’organisme de recourir aux lipides pour subvenir aux besoins énergétiques, permettant alors de préserver les glucides. Ces derniers, avec les lipides, sont les deux principaux substrats énergétiques de l’exercice. La part de chacun dépend étroitement de l’intensité de l’exercice et de sa durée : un exercice réalisé à faible intensité favorise la lipolyse (i.e., l’utilisation des lipides) alors que lors d’un exercice intense, les glucides deviennent majoritaires.
Les séances longues, a fortiori réalisées à jeun et avec de faibles réserves en glycogène, améliorent cette capacité de recourir à la lipolyse. A l’exercice, la température de l’organisme tend à augmenter. Ce phénomène est expliqué par une production interne de chaleur et par l’influence des rayonnements infrarouges reçus de l’environnement. Une élévation de la température corporelle qui doit pourtant rester contenue.
Lire le dossier : Cycliste : comment s'entrainer pour progresser ?
Permettre à son corps de mieux gérer la sudation
L’Homme est en effet un homéotherme : la température de son corps doit rester constante (elle évolue en réalité périodiquement autour d’une valeur d’équilibre : 37,2 °C). Le corps doit donc constamment échanger de la chaleur avec le milieu environnant. Il possède un système très efficace pour y parvenir : l’évaporation. Les glandes sudoripares produisent de la sueur, qui, en s’évaporant, permet de perdre de la chaleur (chaque litre de sueur évaporé permet d’éliminer 580 kcalories).
Les séances longues améliorent ce système de régulation : la sudation apparaît plus tôt et la sueur est plus abondante mais plus faiblement concentrée en minéraux. La température corporelle y est alors plus finement régulée, sans perte concomitante de micronutriments.
Gérer le mental
Les sportifs, lorsqu’ils font habituellement référence à la fatigue, pensent presque toujours à la fatigue périphérique. Or, l’incapacité de soutenir durablement un effort ne dépend pas seulement du facteur musculaire, le cerveau peut également en être la cause. Cette fatigue est qualifiée de centrale et le principal responsable est à rechercher du côté des neurotransmetteurs, c’est-à-dire les molécules qui contrôlent nos comportements.
La dopamine, l’acétylcholine et la sérotonine occupent en effet une place primordiale. Ils sont impliqués au niveau du système nerveux dans notre résistance au stress et notre capacité de prise de décision. Une chute de la disponibilité de leurs précurseurs (les acides aminés tyrosine, choline et tryptophane) est ainsi un facteur limitant dans les épreuves de longues durées car engendrant une fatigue centrale.
Lire le dossier : La sophro-pédagogie sportive
Réaliser, régulièrement, des sorties longues présente à ce titre un double avantage : celui de vous habituer à gérer psychologiquement ces épisodes de détresse mentale et d’imposer à votre organisme cet état de stress donc à l’habituer à être performant malgré ces déficits nutritionnels.
Les sorties longues améliorent également le potentiel oxydatif des muscles : la densité des mitochondries, celles des capillaires et des enzymes augmentent. Les muscles sont donc capables d’utiliser davantage d’oxygène, de glucides et de lipides, le débit énergétique étant alors augmenté.
Attention aux troubles fonctionnels !
Avec l’arrivée du printemps le cycliste a tendance à rallonger le kilométrage des sorties pour développer l’endurance. Attention néanmoins à ne pas abuser au risque de provoquer des troubles fonctionnels.
A lire : Des séances longues à vélo, oui, mais à bonne dose !
Au cours de ce dossier, nous avons traité des sorties longues et qu’en contexte de fortes charges d’entraînement, se sentir fatigué n’est pas anormal. Au contraire, la fatigue est à rechercher pour espérer progresser. Seul son excès pose problème : une surcharge qu’il faut que vous sachiez détecter suffisamment tôt (par l’écoute de vos sensations et l’utilisation de mesures objectives telles que la fréquence cardiaque).